mercredi 7 avril 2010


8  Vélocité n° 104 • février 2010

Aménagement :

Il est faux de croire qu’une bonne politique d’aménagement de la voirie urbaine va pouvoir, à elle seule, générer une pratique massive du vélo. Il suffi t pour s’en convaincre de regarder nos voisins européens.
Ceux qui annoncent les taux de pratique les plus élevés (Pays-Bas, Danemark...) sont également ceux qui
ont les politiques d’urbanisme les plus anciennes et les plus contraignantes.
Chez eux, mais aussi en Allemagne ou au Royaume-Uni, la densification urbaine s’impose depuis des
décennies comme LE moyen d’action prioritaire pour que l’usage des modes alternatifs à la voiture reste possible.

Le retard français :

La France a pris un retard colossal sur ses voisins pour la planifi cation urbaine :
la permissivité et le laxisme des années 70/80 ont conduit au mitage de son territoire, à un étalement urbain en tache d’huile.
De 1992 à 2000, on a urbanisé 65.000 ha par an, l’équivalent d’un département français tous les dix ans. Le résultat : une augmentation significative des distances de déplacement domicile-travail qui rendent l’usage de la voiture incontournable !
La loi SRU (solidarité et renouvellement urbains) publiée en 2000 s’inspire avec 20 ans de retard des exemples européens. Ses outils principaux, le SCoT (schéma de cohérence territorial) et le PLU (plan local d’urbanisme), chacun obligatoirement doté d’un PADD (projet d’aménagement et de développement
durable), doivent permettre d’organiser désormais « l’expansion des territoires en préservant l’environnement ». Le vélo doit y trouver sa place.

Les grands principes d’urbanisation à favoriser :
Les éco-quartiers ont en ce moment le vent en poupe, mais il s’agit d’un épiphénomène qui ne peut se généraliser.
Pour raccourcir les distances, et donc favoriser l’usage du vélo, les choix d’urbanisme doivent renouer avec deux principes : la diversité des fonctions urbaines et la densité.
Dans le premier cas, il s’agit d’offrir à proximité, aisément accessibles à pied, à vélo et en transport collectif, les différentes fonctions de la ville. Il s’agit par exemple de prescrire dans les documents d’orientation des mesures visant à renforcer l’attractivité résidentielle des centres anciens, reconquérir les friches urbaines, restructurer le développement périurbain pour créer des pôles d’urbanisation secondaires…
Le mot « densité » ne doit plus faire peur.
Les urbanistes savent aujourd’hui développer des modèles d’habitat « dense » adaptés aux modes de vie contemporains, préservant l’intimité, alliant maisons individuelles et petits collectifs (R +2 à R+4), bien loin des tours des années 60 !

Favoriser le vélo à l’échelle des SCoT :

L’élaboration d’un SCoT est une opportunité pour promouvoir une « mobilité durable » à une échelle de territoire pertinente. Le document d’orientation (DO) doit traduire l’articulation urbanisme / déplacement. Concrètement, le PADD peut par exemple :
- définir les principes d’un réseau cyclable structurant pour relier des communes périphériques ou des
pôles secondaires à la ville centre ;
- fixer comme objectif l’amélioration de l’accès des cyclistes aux centres commerciaux, aux équipements
sportifs ou de loisirs, aux espaces d’urbanité, aux sites de développement économique ou de renouvellement urbain ;
- affirmer un objectif de développement de l’intermodalité vélo / transport collectif en organisant le stationnement aux gares, aux terminaux de bus et trams et en favorisant l’accès dans un périmètre de
3 à 5 kilomètres, ce qui correspond à une durée de parcours de 12 à 20 minutes en vitesse moyenne de
porte à porte ;
- identifier des supports de continuités cyclables entre les territoires en privilégiant les espaces naturels (berges d’un  fleuve, d’un canal, parc urbain, coulée verte…) ;
- préciser les modalités de réduction des effets de coupure occasionnés par des infrastructures ou des éléments naturels : par exemple, indiquer le principe d’une nouvelle passerelle piétons/vélos pour franchir
un fleuve ou une autoroute.

Les documents graphiques doivent en outre intégrer tout schéma directeur cyclable arrêté par le département ou par la communauté d’agglomération ou de communes, ainsi que les itinéraires du schéma national « véloroutes et voies vertes ».

Quelques ratios de stationnement dans les immeubles à adapter en fonction du contexte local
(extrait d’une fi che établie avec l’ANAH, l’union des organismes HLM, des associations d’élus et d’usagers…) :

1/ Pour les logements :
Privilégier un local par cage d’escalier en se rapprochant des ratios suivants :
0,5 à 1 place pour un studio, un F1 ou un F2 ; 1 à 1,5 place pour un F3 ;
1,5 à 2 places pour un F4 ; 2 à 2,5 places pour F5 et plus

2/ Pour les établissements scolaires et universitaires :
Primaire : 1 place pour 8-12 élèves ;
Collège / Lycée, 1 place pour 3-5 élèves ;
Université : 1 place pour 5-8 étudiants.

3/ Pour les locaux d’activités :
1 place pour 3 à 5 emplois

4/ Pour les centres commerciaux :
1 place pour 50 à 100 m² de surface commerciale
Le vélo a toute sa place dans  les documents d’urbanisme !

Aménagement :

Intégrer le vélo dans les PLU :

L’élaboration d’un PLU est une opportunité pour favoriser une organisation de la ville adaptée aux modes de proximité, en freinant la dispersion des activités et l’étalement urbain.
Compatible avec les orientations des documents supra - communaux qui lui sont supérieurs : SCoT, PDU
(plan de déplacements urbain), PLH (programme local d’habitat), le PLU doit contribuer à leur mise en œuvre.
Pour favoriser les déplacements cyclables, le PLU pourra par exemple :
- identifier et rechercher des solutions adaptées pour des secteurs où les déplacements à vélo sont difficiles :
espaces excentrés, isolés par des coupures naturelles ou des infrastructures routières ou ferrées ; zones
pavillonnaires étendues sans accès direct et sûr vers les équipements de proximité d’où des allongements de
parcours dissuasifs ;
- préciser le tracé d’un réseau cyclable complémentaire des transports collectifs, pour assurer, à partir des
secteurs d’habitat de la ville-centre et de la périphérie, une bonne accessibilité aux équipements structurants (hôpitaux, établissements scolaires et universitaires...), aux services et aux pôles d’emplois existants et
futurs dans un rayon de 3 à 5 km ;
- définir des itinéraires cyclables de rabattement vers les principaux axes de transport en commun et les
pôles d’échanges, et accroître ainsi le périmètre d’attraction du réseau de transport public ;
- restructurer un quartier sur la base d’un maillage propice aux échanges de proximité privilégiant les
zones 30 et les doubles sens cyclables ;
- relier les équipements et bases de loisirs, les lieux touristiques par des aménagements adaptés aux dé-
placements promenades des familles ;
- réhabiliter les emprises d’anciennes voies ferrées et les berges de rivières ou de canaux pour faciliter des
liaisons sans dénivelées ;
- intégrer dans les documents graphiques les réseaux vélo structurants projetés par le département ou l’agglomération, en complément des itinéraires cyclables d’intérêt local.

Le vélo a toute sa place dans  les documents d’urbanisme ! les documents d’urbanisme !
« Encourager le déplacement à vélo sera sans effet si l’on se contente de réaliser des itinéraires cyclables sans prévoir une offre de stationnement adaptée »
Prévoir une offre de stationnement vélo en tous lieux
Encourager le déplacement à vélo sera sans effet si l’on se contente de réaliser des itinéraires cyclables sans prévoir une offre de stationnement adaptée.
L’article 12 du règlement des PLU devrait systématiquement intégrer des normes de stationnement vélo applicables lors de la délivrance des permis de construire.
Localisation : proximité de l’entrée du bâtiment, aisément accessible (en rez-de-chaussée ou avec rampes d’accès, sans portes lourdes à manœuvrer…), éclairé, fonctionnel et équipé de systèmes de  fixation simples permettant d’accrocher le cadre et une roue (type arceau).
Planifier le réseau cyclable dans le temps et dans l’espace est certes indispensable pour qu’il puisse se réaliser au fur et à mesure des opportunités techniques et foncières, en cohérence avec les chantiers programmés et selon un calendrier raisonnable et concerté. L’identification des « points noirs » qui entravent la continuité des itinéraires est également essentielle. Mais pour les cyclistes, le retour à une forme de ville à la densification réussie, alliant qualité de vie et respect des espaces naturels, est de loin le premier enjeu.

GENEVIÈVE LAFERRÈRE
Le premier enjeu est de refaire une ville des courtes distances, ce qu’explicite bien ce schéma réalisé par Philippe Tostain et Frédéric Héran